A l’occasion du “Monde Festival”, Helloways s’est invité à la rencontre “Marche et rêve” organisé ce samedi 23 septembre à l’Opéra Bastille. Au programme, un fin cocktail de récits d’aventuriers et l’occasion, enfin, de parler de la marche différemment. On vous raconte, en quelques lignes.
Yoanna Sultan-R’bibo, journaliste au Monde, commence : “10 millions de randonneurs réguliers en France”. Boum ! Première nouvelle, toi lecteur, tu n’es pas seul. Ohhh que non ! Et notre jolie communauté ne fait que s’agrandir de jour en jour.
La marche est devenue un vraie phénomène de société. Y-a-t-il une raison à cela ? David Le Breton, anthropologue, professeur de sociologie à l’université de Strasbourg, explique “On observe un besoin de retour au corps dans une société toujours plus sédentaire. On mange assis. On se déplace assis. On travaille assis. L’activité randonnée est une forme de résistance. Une manière de se remettre en marche, intellectuellement et physiquement, de se sentir passionnément vivant dans un monde où la vie nous échappe”.
Au-delà, le renouveau de la marche est l’évocation même d’une volonté de reconnexion avec la nature. En soit, elle représente un changement d’espace-temps. Antoine de Baecque, historien, journaliste et professeur d’histoire du cinéma à l’École normale supérieure, précise : “les gens se sont mis à marcher il y a une 40aine d’année. C’est à ce même moment que se sont développés la “fédé” (Fédération Française de Randonnée Pédestre) et les premiers mouvements pour la défense de l’environnement. Les deux entretenaient un certain lien. Il y avait une peur d’une perte définitive d’un rapport avec la nature”.
Après tout, la marche n’est-elle pas l’essence même de la vie ? Pour Sarah Marquis, marcheuse suisse nommée Aventurière de l’année par le magazine National Geographic, “notre corps est fait pour marcher. On vient de la terre mais on l’a oublié. On a besoin de la nature car on est organique”. Retrouver du lien avec la terre… On y revient.
Mais marcher, ça peut parfois être fatiguant. Certains vous diront même que ça fait souffrir. C’est une affaire de sensation. “Quand on marche, on est en lien avec notre propre sauvagerie. Lorsqu’on est en itinérance, les ¾ premiers jours sont durs. Mais le corps finit par se faire. On perd notre graisse urbaine. On infuse dans la nature”. Et David de compléter “La fatigue n’est pas imposée mais désirée”. Mais la fatigue ne vit pas seule, fort heureusement. Elle se couple toujours avec des récompenses : le paysage, les rencontres. “la marche est une manière de se retrouver, de retrouver la conversation, d’aller à l’encontre de la tyrannie de la communication moderne”.
Il existe autant de manières de marcher qu’il y a de marcheurs : itinérance, marcheur en solo, marcheur du dimanche, marcheur en groupe, etc. Mais une chose est certaine, marche en ville et marche en montagne ou en campagne se complètent. Pour David Le Breton, “dans une ville, on cherche plutôt le magnétisme de certains lieux. En montagne, on cherche autre chose, des paysages époustouflants, de l’effort… Mais le regard reste le même : quand on marche, on passe de la vue à la contemplation”.
Et que se passe-t-il dans la tête quand on marche ? A nouveau, David Le Breton apporte une réponse intéressante : “la marche est une guérison. Beaucoup de personnes ont parlé de la marche comme une forme de renaissance après une maladie, un divorce ou toute autre épreuve”. Et d’enchainer sur ce qui certainement la punch line de l’après-midi “Marcher, c’est disparaître de soi de façon heureuse. Quand on part, on laisse tout derrière soi. C’est pour ça qu’on trouve des solutions en marchant, qu’on prend des décisions, qu’on fait des plans sur l’avenir”. Et là, on sait ce que vous vous dites. Oui, ça vous est déjà arrivé. La mise en marche entraîne la libre association des idées, la libre pensée. Antoine de Baecque abonde “Quand on marche, toutes les pensées ont la même importance. Elles affleurent toutes, tristes, joyeuses ou autres”.
Pour pousser plus loin la réflexion avec ces intervenants de grande classe, voici quelques lectures qui occuperont vos après-midi :
- Le Beton David, Marcher. Éloge des chemins et de la lenteur, Éditions Métailié, 2012
- De Baecque Antoine, Les Godillots. Manifeste pour l’histoire marchée, Anamosa, 2017, 204 p.
- Marquis Sarah, Instincts: Trois mois seule à pied, en survie dans l’Ouest sauvage australien, Michel Lafon, Neuilly-sur Seine, 2016
Une envie soudaine de balade en forêt vous prend ? C’est normal. Relaxez-vous et découvrez votre prochaine sortie ci-dessous ! 😎