Une randonnée dans l’Eure ? Ah oui, vous êtes comme ça vous, vous exigez de la rando ? Vous avez bien raison. D’autant plus que l’Eure a de beaux paysages à offrir et même quelques surprises. Le tout, aux portes de la Capitale et accessible en train. Que demandez de plus ? Tata Simone a envoyé son meilleur reporter sur place pour tester “Quand c’est l’heure, c’est l’Eure”, une randonnée de 2 jours, OKLM. Voici son récit. 🌲
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– Simone : Salut Jean ! Une rando de deux jours ça te tente ?
– Jean : Une rando ? Évidemment ! Où et quand ?
– Simone : Dans 15 jours, dans l’Eure, au départ de Verneuil-sur-Avre. Je t’envoie le topoguide !
– Jean : Vendu !
C’est à peu près comme cela que je démarre beaucoup de – sinon tous – mes projets et aventures. Il était ici question de mettre les pieds aux confins de la Normandie pour venir découvrir un territoire nouveau. Habitué du D+ et aux crêtes, me voilà cette fois-ci projeté en pays eurois, à tout juste 1h30 de Paris Montparnasse.
Jour 1 de randonnée
- Départ de Paris : 09h30
- Départ de la rando : 11h11
- Fin d’étape (Breteuil) : 15h
- Distance : 15km
Une fois le plein de barres de céréales fait, sans oublier d’attraper un sandwich en chemin, je saute dans un train Nomad pour rejoindre Verneuil-sur-Avre. 1h30 pour lire un peu puis préparer mon boîtier photo et me voilà arrivé au point de départ de l’itinéraire. Si l’air est frais il fait grand beau ce qui présage de bons augures pour la première journée de marche !
Après avoir longé quelques bâtisses à l’architecture normande, me voici une quinzaine de minutes plus tard dans l’ambiance de cette première journée : l’immensité du paysage agraire me saute aux yeux. Fini la ville et son bitume. Les labours et les semences venant d’être réalisés, la vue est dégagée et je peux prendre la pleine mesure de ce qui m’entoure. Des champs à perte de vue, des habitations au loin, un château d’eau à l’horizon, le grondement lointain et sourd d’une route qui passe quelque part à l’ouest. Direction plein nord en laissant Verneuil-sur-Avre et sa zone d’activité dans mon dos.
Le vent vient me rosir les joues. Je chemine sans encombre sur les pistes fermières, chemins empruntés par les agriculteurs pour accéder à leurs parcelles. L’herbe sèche crisse sous mes pas. Le silence se voit plus qu’il ne s’entend : alentour, tout est calme, apaisé, immobile.
Je passe à proximité de quelques fermes et je continue ma progression au milieu de ces étendues tantôt noires, tantôt jaunes ou multicolores. Un sentiment d’humilité profonde face à cette immensité qui m’entoure, ainsi qu’un apaisement intense me viennent. Il y a tellement de distance à parcourir du regard que je prends le temps de m’arrêter pour être là, écouter et contempler. Perdu dans mes songes je suis surpris par six chevreuils qui détalent à travers champ sous mon nez et que je vois me guetter une fois éloignés d’un bon gros kilomètre.
La civilisation se rappelle à moi (si jamais le découpage des parcelles et la présence de lignes à haute tension avaient pu m’en faire douter) par quelques habitations, chevaux et animaux de ferme. Mon ventre se manifeste peu avant Saint-Nicolas-d’Attez et je profite de la pelouse jouxtant son église et le cimetière attenant pour avaler mon casse-croûte et lézarder au soleil.
Je découvre non sans joie que l’immensité du territoire agraire que je viens de traverser est complétée via l’itinéraire par des forêts – avant-goût de la journée de demain. Sous le couvert des arbres, la fraîcheur revient, et avec elle l’odeur du sous-bois encore humide de la pluie des derniers jours. Je progresse désormais sur un petit tapis de feuilles, l’automne prenant progressivement ses droits.
Breteuil en vue, je retrouve les abords de la ville en traversant de nouvelles parcelles. Sa place centrale et surtout son hôtel de ville est particulièrement atypique, et la proximité du canal et des étangs du bras forcé de l’Iton lui donnent un aspect romantique indéniable. Je flâne un peu, profitant des derniers rayons du soleil pour me réchauffer avant de retrouver la chambre d’hôtes réservée pour la nuit.
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Jour 2 de randonnée
- Départ de Breteuil : 08h40
- Halte à Conches : de 12h55 à 13h32
- Arrivée à La-Bonneville-sur-Iton : 16h42
- Distance : 34km
Il fait frais et l’air est chargé d’humidité, la brume matinale se levant progressivement. La ville se réveille. Des chiens aboient sur mon passage. Des éboueurs brisent à leur tour le silence, auxquels se succèdent les voix et cris des enfants qui descendent des cars de ramassage scolaire pour rejoindre leurs écoles.
Un paysage aux couleurs de l’île de Skye se présente à moi dès la sortie du village, avec cette terre sombre et nue. Un tas de fumier fumant au bord de la route donne un aspect mystérieux et cinématographique à la scène. L’odeur me rappelle mon enfance et le temps des labours à côté de la maison de mes parents. C’est reparti. Retrouver une bulle de silence et la sérénité qui l’accompagne.
Une route au loin fend le paysage de sa rectitude, et son bruit crève le silence qui m’enveloppe. Des étourneaux prennent leur envol sur mon passage, leur festin de graines interrompu par la présence d’un bipède.
L’itinéraire tire tout droit, toujours plein nord. Après quelques kilomètres, l’asphalte cède la place à un chemin de terre qui pénètre en forêt. La piste est large, d’immenses feuillus, de petits résineux, puis une végétation plus dense se succèdent. Des grumes bordent par endroits le chemin, et une forte odeur de sève et de résine flotte dans l’air à leur approche.
Des chevreuils s’enfuient, les oiseaux se parlent. Sur cette partie de l’itinéraire, la forêt est reine. Elle va m’accompagner sur plus de 90% du trajet restant. Verdoyante et luxuriante, elle commence par d’immenses lignes droites, puis se mue progressivement en chemins plus sinueux, touffus, entourés de sous-bois dense. Entre les rangées de troncs, la lumière n’est admise que par endroits et donne l’impression d’évoluer en plein conte.
Le sol étouffe désormais mes pas, sableux par endroits, spongieux par d’autres. Les changements de température de l’air ambiant, selon que je suis dans une forêt de feuillus ou de résineux est flagrant, et la moindre proximité d’étang ou de cours d’eau se devine l’air ambiant et dans l’aspect du sol. Le soleil est masqué par un ciel blanc, qui me fait perdre la notion du temps pour mieux laisser vagabonder mon esprit.
Conches est l’occasion de la pause casse-croûte, devant son donjon. L’architecture de cette ville est encore plus impressionnante que celles traversées jusqu’à lors. Je ne suis pas au bout de mes surprises : la suite n’en est que plus merveilleuse.
Les chemins forestiers sont ensuite moins fréquentés. Plus étroits, ils invitent à une meilleure intimité avec la forêt, et offrent des perspectives et des points de vue agréables. Plus j’avance et plus je souhaite en voir davantage. Absorber cette dose de fraîcheur, de verdure et surtout de nature, progressivement et kilomètre après kilomètre.
L’arrivée à La Bonneville-sur-Iton est d’ailleurs surprenante. La ville surgit sans crier gare au détour d’un chemin. Cette arrivée, c’est comme se réveiller brutalement d’un long rêve et rester un instant sonné et désorienté.
Cet itinéraire, peu technique et accessible à tous, a la particularité de vous faire quitter progressivement et sans effort l’univers urbain, par des transitions souples. Il suit une progression constante, allant d’un paysage vide de verticalité, à un paysage où le champ de vision est parfois réduit à quelques mètres seulement devant soi, à la façon d’un entonnoir.
Il vous invite à lâcher prise sur votre quotidien et crée mètre après mètre les conditions de son intérêt et de votre tranquillité. Ivre de ce bain de nature, arrivé à La Bonneville-sur-Iton vous aurez la possibilité de sauter directement dans le train retour si vous êtes réglé commune horloge, mais je vous recommande de découvrir l’architecture pittoresque de la ville et d’y passer la nuit.
Une semaine plus tard, l’ivresse ne m’a toujours pas quitté. À quand la prochaine ?
Cet article a été réalisé en partenariat avec Eure Tourisme